Décret tertiaire : les obligations pour les professionnels

Le décret tertiaire impose de nouvelles contraintes aux entreprises en matière d’économies d’énergie. Quels sont les enjeux et les défis à relever pour les professionnels ?

Qu’est-ce que le décret tertiaire ?

Le décret tertiaire, officiellement nommé décret n°2019-771 du 23 juillet 2019, s’inscrit dans la continuité de la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique). Ce texte réglementaire vise à réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires de plus de 1000 m². L’objectif est ambitieux : diminuer la consommation d’énergie finale de ces bâtiments de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 et 60% d’ici 2050, par rapport à une année de référence qui ne peut être antérieure à 2010.

Ce décret concerne une grande variété de bâtiments : bureaux, commerces, hôtels, établissements scolaires, bâtiments administratifs, etc. Il s’applique aux propriétaires et aux locataires de ces espaces, les obligeant à collaborer pour atteindre les objectifs fixés.

Les obligations pour les professionnels

Les professionnels concernés par le décret tertiaire doivent mettre en place plusieurs actions pour se conformer à la réglementation :

1. Déclaration des consommations énergétiques : Les assujettis doivent déclarer annuellement leurs consommations d’énergie sur la plateforme OPERAT (Observatoire de la Performance Énergétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) gérée par l’ADEME. Cette déclaration doit inclure les consommations de l’année écoulée ainsi que celles de l’année de référence choisie.

2. Elaboration d’un plan d’action : Les professionnels doivent définir une stratégie pour atteindre les objectifs de réduction de consommation énergétique. Ce plan peut inclure des travaux de rénovation, l’optimisation des équipements existants, ou encore la sensibilisation des occupants aux économies d’énergie.

3. Mise en place d’un suivi énergétique : Il est nécessaire d’installer des systèmes de mesure et de pilotage des consommations énergétiques pour suivre les progrès réalisés et ajuster les actions si nécessaire.

4. Communication des résultats : Les propriétaires et preneurs à bail doivent afficher dans leurs locaux les résultats obtenus en termes de réduction de consommation énergétique, afin de sensibiliser les occupants et visiteurs.

Les échéances à respecter

Le décret tertiaire impose un calendrier précis aux professionnels :

30 septembre 2022 : Date limite pour la première déclaration des consommations énergétiques sur la plateforme OPERAT (reportée au 31 décembre 2022 pour la première année).

30 septembre de chaque année : Déclaration annuelle des consommations énergétiques de l’année précédente.

2030, 2040, 2050 : Années jalons pour l’atteinte des objectifs de réduction de consommation énergétique (respectivement 40%, 50% et 60%).

Les sanctions en cas de non-respect

Le non-respect des obligations du décret tertiaire peut entraîner des sanctions pour les professionnels :

Mise en demeure : En cas de manquement, le préfet peut mettre en demeure le propriétaire ou le preneur à bail de respecter ses obligations dans un délai qu’il détermine.

Amende administrative : Si la mise en demeure n’est pas suivie d’effet, une amende administrative d’un montant maximal de 1500 euros pour les personnes physiques et 7500 euros pour les personnes morales peut être appliquée.

Name and shame : Les noms des contrevenants peuvent être publiés sur un site internet des services de l’État, constituant une sanction réputationnelle potentiellement dommageable pour l’image de l’entreprise.

Les opportunités pour les professionnels

Malgré les contraintes qu’il impose, le décret tertiaire représente aussi des opportunités pour les professionnels :

Réduction des coûts énergétiques : La diminution de la consommation d’énergie entraîne naturellement une baisse des factures énergétiques, ce qui peut représenter des économies substantielles à long terme.

Amélioration de la valeur patrimoniale : Un bâtiment plus performant énergétiquement voit sa valeur augmenter sur le marché immobilier.

Image de marque renforcée : L’engagement dans une démarche écologique peut améliorer l’image de l’entreprise auprès de ses clients, partenaires et collaborateurs.

Innovation et compétitivité : La recherche de solutions pour réduire la consommation énergétique peut stimuler l’innovation et renforcer la compétitivité de l’entreprise.

Les défis à relever

La mise en conformité avec le décret tertiaire présente plusieurs défis pour les professionnels :

Investissements financiers : Les travaux de rénovation énergétique et l’installation de nouveaux équipements peuvent représenter des coûts importants, surtout pour les petites et moyennes entreprises.

Complexité technique : L’optimisation énergétique d’un bâtiment requiert des compétences techniques spécifiques que toutes les entreprises ne possèdent pas en interne.

Coordination entre propriétaires et locataires : La répartition des responsabilités et des coûts entre propriétaires et locataires peut être source de tensions et nécessite une bonne communication.

Gestion du changement : La modification des habitudes de consommation énergétique implique un changement de comportement de la part des occupants, ce qui peut prendre du temps et nécessiter des efforts de sensibilisation.

Les aides disponibles

Pour faciliter la mise en conformité avec le décret tertiaire, plusieurs aides sont à la disposition des professionnels :

Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) : Ce dispositif permet de financer une partie des travaux d’efficacité énergétique grâce à des primes versées par les fournisseurs d’énergie.

Aides de l’ADEME : L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie propose des subventions et des prêts pour les projets de rénovation énergétique.

Fonds chaleur : Ce dispositif soutient le développement de la production de chaleur à partir d’énergies renouvelables.

Prêts verts : Certaines banques proposent des prêts à taux préférentiels pour financer les travaux d’amélioration de la performance énergétique.

L’impact sur le secteur du bâtiment

Le décret tertiaire a des répercussions importantes sur le secteur du bâtiment :

Développement de nouvelles compétences : Les professionnels du bâtiment doivent se former aux techniques de rénovation énergétique et à l’utilisation de nouveaux matériaux et équipements performants.

Émergence de nouveaux métiers : Des postes spécialisés dans l’efficacité énergétique, comme les energy managers ou les auditeurs énergétiques, se développent.

Stimulation de l’innovation : La recherche de solutions toujours plus performantes pour réduire la consommation énergétique stimule l’innovation dans le secteur du bâtiment.

Transformation du marché immobilier : La performance énergétique devient un critère de plus en plus important dans la valorisation des biens immobiliers tertiaires.

Perspectives d’avenir

Le décret tertiaire s’inscrit dans une tendance de long terme vers une économie plus durable et respectueuse de l’environnement. À l’avenir, on peut s’attendre à :

Un renforcement des exigences : Il est probable que les objectifs de réduction de consommation énergétique deviennent encore plus ambitieux dans les années à venir.

Une extension du périmètre : Le décret pourrait être étendu à d’autres types de bâtiments ou à des surfaces plus petites.

Une intégration dans une stratégie globale : La réduction de la consommation énergétique s’intégrera de plus en plus dans une démarche globale de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Le développement de solutions innovantes : L’intelligence artificielle, l’Internet des objets et d’autres technologies émergentes joueront un rôle croissant dans l’optimisation énergétique des bâtiments.

Le décret tertiaire représente un défi majeur pour les professionnels du secteur, les obligeant à repenser leurs pratiques et à investir dans l’efficacité énergétique. Malgré les contraintes qu’il impose, ce texte ouvre la voie à une transformation profonde du parc immobilier tertiaire, avec à la clé des bénéfices environnementaux et économiques significatifs. Les entreprises qui sauront anticiper et s’adapter à ces nouvelles exigences seront les mieux placées pour tirer parti des opportunités offertes par cette transition énergétique.